Instituer une poursuite judiciaire, quel est le délai ultime pour ce faire ?

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L’industrie de la construction ni échappe pas, dans de nombreuses situations il est nécessaire d’avoir recours aux tribunaux pour obtenir paiement des sommes dues à la suite de travaux exécutés. Au contraire, il s’agit même d’une des industries où les problématiques de paiements sont les plus fréquentes. Les causes sont multiples dont notamment les délais de paiements récurrents des donneurs d’ouvrages publics.

Les poursuites en plus d’être couteuses, consomment les ressources internes des entreprises et enveniment les relations d’affaires. Pour ces raisons et autres motivations, plusieurs entreprises repoussent l’introduction des procédures judiciaires au maximum. Il suffit d’imaginer un projet de construction public où l’entrepreneur général n’est pas payé par le donneur d’ouvrage et où les contrats de sous-traitance sont assujettis à une clause de paiement sur paiement pour comprendre l’intérêt des sous-traitants à patienter le plus possible avant de poursuivre.

En effet, à quoi bon instaurer une poursuite si c’est pour se faire opposer l’absence de paiement par le donneur d’ouvrage et lorsque l’entrepreneur général tente de se faire payer. Plusieurs préfèrent ainsi attendre le paiement du donneur d’ouvrage avant de poursuivre, économisant ainsi temps et argent. Or, la question est de savoir jusqu’à quand peut-on attendre avant de voir ses droits disparaitre par l’effet de la prescription.

En effet, l’article 2925 du Code civil du Québec stipule que « L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans ». En d’autres mots, si aucune procédure judiciaire n’est intentée, il y a perte des droits à l’expiration d’un délai de trois années. En somme, après ce délai, la créance n’existe plus.

Afin de déterminer cette date avec précision, il faut avant tout savoir à quel moment débute le calcul du délai de trois ans. Pour un entrepreneur général, la date sera facilement identifiable, il s’agira de la date de fin des travaux prévus à son contrat . Rappelons que l’établissement de la date de fin des travaux est une question de fait et que conséquemment, une abondante jurisprudence existe sur le sujet. Il est par ailleurs à noter que le délai demeure unique tant pour la facturation progressive que pour la retenue contractuelle appliquée par le donneur d’ouvrage.

Mais qu’en est-il du sous-traitant dont le contrat contient une clause de paiement sur paiement, est-ce que le départ de la computation du délai de 3 ans correspond à la fin des travaux ou à la date à laquelle l’entrepreneur général reçoit, du donneur d’ouvrage, le paiement correspondant ?

La question est plus que pertinente considérant qu’il peut s’écouler plusieurs années entre la date de fin des travaux et la date à laquelle l’entrepreneur reçoit paiement des sommes qui lui sont dues (contractuelle et retenue).

Dans l’arrêt Socam c. Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) la Cour d’appel mentionne :

[10] Il est acquis au dossier que la prescription applicable est de trois ans (art. 2116 C.c.Q.), que son point de départ se situe à la fin des travaux et que la détermination de celle-ci est une question de fait. De plus, le Code civil statue que « l’on ne peut pas convenir d’un délai de prescription autre que celui prévu à la loi »(art. 2884).

Elle analyse par la suite le contrat liant Socam au Centre hospitalier et Socam plaide que son contrat prévoit des modalités de paiement faisant en sorte de reporter à une date postérieure, à la fin des travaux, le paiement des sommes dues. Aussi, plaide-t-elle que la prescription commence à courir à une date différente de la fin des travaux. Or, la Cour d’appel rappelle que depuis 1994 (adoption du Code civil du Québec actuellement en vigueur) :

[15] … si par contrat, l’on peut convenir d’un point de départ pour la computation de la prescription autre que celui fixé par la loi, l’on établit contractuellement, par avance, un délai de prescription différent que celui déterminé par le législateur, ce qui est interdit par l’article 2884 du Code civil.

S’il est interdit d’établir une date de départ de la computation des délais entre l’entrepreneur général et le donneur d’ouvrage, qu’en est-il dans le cadre du contrat liant l’entrepreneur général et le sous-traitant ? Il semble qu’à ce jour aucune décision judiciaire n’ait porté sur la question et dans les circonstances la prudence est de mise.

Considérant ce qui précède, le sous-traitant aura un avantage certain à instituer ses recours avant l’expiration d’un délai de 3 ans suivant la fin des travaux. Il évitera ainsi possiblement de perdre ses droits.

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